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Aimants du HL-LHC : test d'endurance réussi pour l'alliage niobium-étain

Un quadripôle grandeur nature produit aux États-Unis et utilisant un alliage niobium-étain pour le HL-LHC a réussi un test d'endurance critique : une étape déterminante en vue de confirmer la viabilité de cette technologie pour les accélérateurs

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L'aimant MQXFA05 est inséré dans le cryostat vertical au Laboratoire national de Brookhaven pour son test d'endurance. (Image: BNL)

Les futurs projets d'accélérateurs, notamment le LHC à haute luminosité (HL-LHC), utiliseront des alliages niobium-étain (Nb3Sn) pour leurs composants supraconducteurs, comme les électroaimants. Les propriétés supraconductrices de ce matériau seront essentielles à l'augmentation des performances de nos machines à découvertes. Cependant, des tests rigoureux sont nécessaires pour démontrer la résilience des éléments en niobium-étain, car cet alliage est connu pour être plus fragile que l'alliage niobium-titane, avec lequel sont fabriqués les composants actuels du LHC. C'est pourquoi le test d'endurance d'un aimant supraconducteur grandeur nature, fabriqué à partir de niobium-étain, au Laboratoire national de Brookhaven, aux États-Unis, est une étape cruciale pour le projet HL-LHC. S'inscrivant dans la lignée de tests similaires que des versions plus petites de l'aimant avaient passés avec succès, les résultats de ce test confirment la viabilité des aimants en niobium-étain dans l'environnement exigeant des accélérateurs de particules, ce qui est de bon augure pour le projet HL-LHC et d’autres projets d’accélérateurs.

L'aimant en question est un des quadripôles des triplets qui ont été produits et testés aux États-Unis dans le cadre d'une collaboration avec le CERN prévoyant la réalisation de 20 aimants au total pour le HL-LHC. Ces aimants supraconducteurs de 4,2 mètres de long, ainsi que leurs prototypes plus grands mis au point au CERN, focaliseront les faisceaux de protons plus étroitement autour des points de collisions d'ATLAS et de CMS dans l’objectif de multiplier par dix la luminosité intégrée au HL-LHC, et, par là même, le nombre de collisions dans l’accélérateur.

Froid, chaud, froid, chaud, froid, chaud... En deux ans, le quadripôle a enduré cinq cycles thermiques, dont trois au printemps 2022. Lors de chacun de ces cycles, les aimants ont été soumis à des variations de température de 300 °C, et sont ainsi passés de 1,9 K – température requise pour qu’ils deviennent supraconducteurs lorsqu’ils sont en fonctionnement – à la température ambiante – température à laquelle ils sont régulièrement amenés lors des interventions techniques. Ce processus est connu pour être éprouvant pour les aimants, dont les matériaux se dilatent et se contractent différemment en fonction du changement de température. Le quadripôle en niobium-étain a subi cinq de ces cycles thermiques sans aucun signe de dégradation de ses performances.

Les cycles thermiques ne sont qu’une partie des tests d’endurance ; l’autre consiste à mettre à l’épreuve la résilience aux transitions résistives (quenches), comme cela a été fait à Brookhaven. Une transition résistive est un passage irréversible de l'état supraconducteur à un état normal, lors duquel l'énergie stockée dans l'aimant doit être dissipée en toute sécurité dans toute la bobine, ce qui l’amène à température ambiante. Chaque jour ouvré des mois d'avril et de mai 2022, durant les deux derniers cycles thermiques, l'aimant a été contraint à subir deux transitions résistives ; au total, ce sont donc 50 transitions résistives qui ont été opérées en deux mois. Les aimants sont conçus pour être capables de supporter de tels événements, mais tester leur endurance est essentiel pour que l'exploitation de l'accélérateur se déroule sans problème. À Brookhaven, le quadripôle a subi cinquante fois l’action de la chaufferette. Résultat : aucune altération. L’aimant était comme neuf.

Giorgio Apollinari, responsable du programme d’amélioration des accélérateurs (Accelerator Upgrade Project – AUP) au Fermilab, se félicite de ce succès : « Il s'agit du premier test d'endurance réussi sur un aimant de 4,2 mètres de long en Nb3Sn et je suis ravi d'annoncer que les résultats valident la résilience et la durabilité de cette technologie ». En plus de déterminer l'endurance de l'aimant, les tests ont montré que l'aimant était capable de conserver son champ opérationnel maximal de 11,4 T jusqu'à une température de 4,5 K, ce qui lui donne une marge de fonctionnement dépassant de loin les conditions imposées par la chaleur des débris de collisions provenant des expériences ATLAS et CMS.

« Nous avons demandé que ces tests soient réalisés plus tôt que prévu dans le planning initial du fait de l'attention particulière portée à la technologie niobium-étain, et nos amis américains ont tenu le délai. Nous leur en sommes extrêmement reconnaissants, ainsi que de leur réactivité et de leur adaptabilité », ajoute avec un grand sourire Ezio Todesco, responsable des aimants de la région d'interaction du HL-LHC. La décision de construire les mêmes aimants de part et d'autre de l'Atlantique s'est avérée une fois de plus être la bonne, car chaque équipe a pu beaucoup apprendre des réussites et des défis de l'autre. L'ouverture d'esprit et la confiance qui règnent entre les communautés scientifiques européenne et américaine ont joué un rôle important dans la réalisation de cette étape.